De nos ancêtres, nous héritons de caractéristiques physiques, psychologiques, de valeurs, de croyances, de visions du monde, d’un mode de vie, d’une mentalité, de modalités d’interactions, de mécanismes de défense, ….
Parmi ces transmissions, certaines sont dites intergénérationnelles car se référant à des contenus conscients, accessibles comme être médecin de père en fils et d’autres transgénérationnelles car touchant aux héritages invisibles, inconscients, héritages qui se diffusent de génération en génération sans jamais être énoncés (Schützenberger, 2004). Ce sont des impensés familiaux qui peuvent remonter à plusieurs générations – traumatismes prenant la forme de non-dits ou de secrets de famille.
Ces transmissions héréditaires seraient comme un immense inconscient familial nous imposant une place et nous obligeant à la conserver. Mais il est possible de nous libérer de ces emprises et de transmettre à nos enfants, petits-enfants le meilleur de notre histoire familiale, le meilleur de nous-mêmes.
Dès notre conception, nous nous inscrivons dans une double lignée, maternelle et paternelle et enfant, dès notre plus jeune âge, nous sommes confronté à une injonction paradoxale : il nous est demandé d’être conforme en restant fidèle aux valeurs, principes, croyances véhiculés par notre famille, nos ancêtres et d’être, aussi, dans le même temps, différent en sachant s’adapter à de nouveaux groupes d’appartenance que nous choisissons.
Face à ces deux exigences contradictoires, conformité/différence, les familles réagissent inégalement. Dans certaines, il n’y a aucun souci car la base sécurisante nécessaire permet à chacun des membres de se différencier et de s’individuer et dans d’autres, c’est plus compliqué…
Jusqu’où les enfants choisissent-ils de se conformer ou de se libérer de l’emprise parentale, du legs de leurs ancêtres pour se construire ? Quels rapports entretenons-nous avec nos racines familiales ? Comment se libérer de cette forme d’emprise, de cette hérédité qui peut, dans certains cas, être trop lourdes à porter ? Questions essentielles pour mieux comprendre qui nous sommes et mieux nous insérer dans notre Histoire… Histoire que nous sommes à même de modifier à tout moment si des clés de compréhension nous sont transmises.
Cette injonction paradoxale entre appartenance et différenciation à laquelle tout enfant est invité à répondre, constitue pour Morel (1998) :
« (…) une gageure (…) mais c’est ce à quoi parviennent les créateurs – familles dans lesquelles nous trouvons une identité forte, cohésive, solidaire partageant les mêmes croyances, le même mythe d’exceptionnalité et tolérant une pluralité de styles, chacun des membres pouvant exprimer ce mythe en fonction de ses propres fantasmes, le chaos, le désordre étant tolérés – alors que chez les familles plus perturbées, un choix indécidable semble s’imposer entre le fait d’être soi, en trahissant le groupe, ou de se fondre dans l’ensemble familial, en se perdant en tant que sujet ».
Dans les familles « dynamiques » dont les « créateurs », c’est un espace de transition, de création, d’improvisation et un laboratoire de jeux et d’expérimentations qui est offert à chacun des membres. C’est une scène vivante qui s’ouvre afin que chaque individu puisse vivre une mise en relation aux autres différentes, innovantes,... Les expériences sont accueillies sans critique, ni jugement et peuvent, si elles conviennent, si elles sont constructives, être répétées. Ces familles finissent, alors, par adopter ce nouveau modèle de comportement, à l’incorporer aux mythes, aux rites, aux scripts[1] du passé afin d’offrir à chacun la ou les solutions les mieux adaptées aux sollicitations de l’environnement. Ces familles peuvent, aussi, si cela est nécessaire et dans des circonstances extrêmes, rompre avec l’héritage.
Dans les familles plus « perturbées », comme dans les familles ayant un fonctionnement rigide, chaotique, les échanges entre le milieu familial, le legs des ancêtres et l’individu sont coupés ; les croyances, les mythes fondateurs sont des vérités inattaquables. L’un des deux messages – sois conforme, sois différent – est évacué. Chacun des membres peut, à tout moment, être condamné et ce, au profit de la survie du système familial.
Il apparaît, dès lors, nécessaire pour les membres de ces familles dites « perturbées », comme nous y invite Attisa-Donfut (1993), de prendre du recul, de s’extraire au moins partiellement de la relation d’emprise, de mettre à distance l’héritage reçu et l’interpréter, tout cela étant constitutif de conditions incontournables de changements familiaux voire sociaux. Il faut :
« discerner ce qui a été donné, mais aussi ce qui ne l’a pas été. (…) Repérer le don, confondu dans la relation, implique pour les intéressés des opérations mentales complexes : le ressentir, l’extraire de la relation, le symboliser » (Attisa-Donfut, 1993).
Repérer le don confondu dans la relation… le don se situe au cœur du processus de transmission car nous recevons la vie et en la recevant, nous sommes placé immédiatement dans la position du donataire. Dette et don sont liés. Mais donner et rendre n’implique pas une relation binaire, relation dans laquelle seraient uniquement concernés deux partenaires. On ne rend pas nécessairement à ceux auxquels on est redevable…
Donc, après avoir ressenti ce don, il nous faut l’extraire, ce qui implique de sortir, au moins en partie, de la relation d’emprise et de mettre à distance l’héritage reçu, héritage que nous allons réinterpréter pour mieux le transformer.
Réaménager notre modèle d’origine, lors de changements de cycles comme peuvent l’être la formation d’un couple, un mariage, la naissance d’un enfant, une maladie, un choc traumatique, … décider à quel point nous souhaitons rester fidèle à ce qui nous a été transmis et, éventuellement, transformer notre héritage familial en tremplin est possible et parfois, vitale si nous voulons Vivre pleinement et totalement notre Histoire. Nous pouvons être des passeurs actifs. Il y aura, sans doute, des trahisons nécessaires (Ducommun-Nagy, 2006)… mais comme le dit si justement, la romancière québecoise, Charlotte Savary :
« La trahison n’est qu’un mot inventé par les hommes pour confondre leurs frères qui ne pensent pas comme eux ».
N'hésitez pas à me contacter si vous souhaitez réaménager votre modèle d'origine
tel 06 51 30 89 35
Lou Cabalery
Hypnothérapeute, Docteur en sciences humaines, formée en psychopathologie, spécialiste en psychotraumatisme, en gestion de la douleur et dans les changements de vie
[1] Le script désigne « les attentes familiales communes concernant la manière dont les rôles familiaux doivent être exécutés dans différents contextes. Le terme attente implique l’anticipation de ce qui doit être dit et fait dans les relations familiales ainsi que les pressions familiales pour accomplir, jouer les rôles comme cela est attendu » Byng-Hall (1995)
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